Un titre légèrement provocateur comme l’aiment malheureusement ceux qui ne réagissent qu’aux stimulis réseaux-socialiens mais il en faut pour tous les goûts. Il est lié au fait que le monde de l’IA est divisée entre 2 communautés de scientifiques qui s’opposent, ceux qui alertent sur les dangers pour l’humanité d’une IA surpuissante et ceux qui considèrent qu’elle n’est qu’un outil dont le gain de productivité reste faible à ce jour.
Après avoir présenté les avis des uns et des autres, je mettrai en avant les risques de l’éclatement prochain de la bulle IA qui aura peut-être l’avantage de nous recentrer sur le principal objectif, l’automatisation des processus entre autres avec les agents IA, tout cela sous un angle syndical.
1 – ceux qui pensent que l’IA sera utile mais qui restera limitée
C’est un avis partagé avec de nombreux scientifiques et souvent informaticiens qui utilisent cette technologie :
Les intelligences artificielles ne sont pas véritablement « intelligentes » au sens humain du terme, elles ne comprennent pas les questions comme nous le ferions.
Lorsqu’on leur soumet une requête, elles s’appuient sur des modèles statistiques pour produire une réponse cohérente, en se basant sur un vaste corpus de textes qu’elles ont analysé, sur la formulation de la question, ainsi que sur le contexte des échanges précédents.
Ce fonctionnement peut parfois conduire à des erreurs appelées « hallucinations », c’est-à-dire des réponses inventées qui semblent plausibles mais sont totalement fictives sans parler de la fiabilité qui s’améliore mais ne dépasse pas encore 90%.
Même si les robots progressent comme ceux qui font du service en restaurant, des frites, qui dirigent un orchestre (après programmation), leur dextérité est encore très loin de l’être humain même si certains pensent le contraire… sans parler de ceux très onéreux produits par Boston Dynamics.
Plusieurs français apportent leur expertise à cette vision :
- Cédric Villani, député français, qui a attiré l’attention sur la nécessité d’investir dans les mathématiques et l’IA
- Luc Julia, un chercheur basé dans la Silicon Valley et récemment injustement décrié, que je cite souvent pour son livre « l’IA n’existe pas » et dont les analyses sont très éclairantes
- Yann Le Cun, un des pères du machine learning, « chief data officer » de Facebook/Meta, qui précise « qu’un chat est de loin plus intelligent qu’une IA » notamment dans le monde physique qui reste peu gérable par les IA comme le montrent les difficultés de Tesla pour dépasser le niveau 2 sur les 5 qui constituent l’échelle de la conduite autonome
2 – les apôtres du cataclysme IAesque
Dès les débuts de l’IA qu’on fixe généralement en 1956 avec la conférence de Dartmouth, les développeurs de ces technologies essaient d’attirer le chaland … et les financements … en envisageant ou promettant une IA de même niveau que celle de l’homme, une IAG ou IA Générale, la même que celle d’Hollywood avec ses Terminator, Hal9000 ou Irobot qui vont immanquablement menacer l’humanité entière.
De nombreux intervenants de haut ou très haut niveau (donc pas des youtubeurs…) nous alertent donc régulièrement sur les dangers mortels de l’IA et pas des dangers, réels ceux-là, sur les données personnelles et les risques référencés notamment dans l’IA ACT européen.
Quels sont ces nombreux chantres du déclin humain face à la machine, du cataclysme emportant nos emplois et nos vies ?
- Laurent Alexandre : médecin, un des premiers officiant déjà dans les années 2010 sur tous les plateaux où il nous disait (il était peut-être dans le vrai) que certains chefs d’entreprises des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) rêvaient d’immortalité avec leurs travaux sur l’IA. Aujourd’hui, il met en avant les progrès faits en médecine dans les analyses de radios, analyses qui facilitent certainement le travail des médecins … et de ceux qui en ont besoin. Il a repris récemment les déclarations de …
- …Jim Farley, le PDG du groupe Ford, qui s’est exprimé récemment en indiquant que les cadres, les ingénieurs, les enseignants, les médecins, les avocats et la plupart des personnes exploitant leurs compétences intellectuelles pour exercer leur profession vont être remplacées par des machines plus rapides, plus agiles et plus savantes, les cols bleus étant pour la 1e fois moins touchés par cette nouvelle technologie : « l’IA remplacera littéralement la moitié des emplois de bureau, tandis que les emplois manuels sont en sécurité »
- Autres intervenants de poids, Geoffrey Hinton et Demis Hassabis, 2 prix Nobel de physique et de chimie, qui tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur les dangers potentiels de l’IA dans les années à venir
- sans oublier Stephen Hawking, un des plus grands physiciens de tous les temps, et Elon Musk bien sûr, qui en même temps, veut concurrencer OpenAI
- Les artistes qui ont, eux, de vraies inquiétudes quant à l’exploitation de leurs oeuvres ou de la génération d’images, de vidéos ou même de scénarios et de story-boards
- et des économistes qui ne comprennent toujours pas pourquoi l’IA n’est toujours pas plus intégrée dans les entreprises : ont-ils au moins entendu une fois parler de « gestion du changement » ?
- sans oublier les 1000 scientifiques qui ont lancé l’alerte sur les IAs génératives
Les événements récents, entre autres autour du lancement de GPT5, vont peut-être faire évoluer leur avis…
3- la bulle IA va-t-elle exploser ?
L’emballement ChatGPT depuis Novembre 2022 était totalement justifié compte tenu de son caractère disruptif et de la possibilité d’échanger avec une entité non humaine pour la 1e fois dans l’histoire de l’humanité, tout le monde s’étant mis à rêver de cette nouvelle révolution.
Même si les premiers pas n’ont pas été parfaits avec sa version 3.5, les IA les plus connues (Claude, Gemini, Perplexity, Copilot) rivalisent de qualités et donnent de nombreuses possibilités aux particuliers et salariés … qui ne l’utilisent pas toujours officiellement.
Mais même les plus grands promoteurs et bénéficiaires de cette technologie commencent à douter et l’engouement commence sérieusement à baisser compte tenu des résultats peu convaincants de sa mise en place :
Une étude récente du MIT fait l’effet d’une douche froide : 95 % des projets en intelligence artificielle générative échouent à créer de la valeur mesurable. Autrement dit, seule une poignée de cas d’usage parvient réellement à générer un retour sur investissement tangible. « Malgré les 30 à 40 milliards de dollars investis par les entreprises dans l’IA générative, ce rapport révèle un résultat surprenant : 95 % des organisations n’obtiennent aucun retour sur investissement
A ce jour, 500 milliards de dollars injectés en deux ans par les GAFAM pour un revenu qui ne dépasse pas 35 : le « hype cycle » nous guetterait-il ?
Des doutes sur la pérennité des améliorations promises…
Même les principaux constructeurs de ces IA (Musk, Gates) commencent à douter en indiquant que la masse du texte (et pas des images ou vidéos) accessible sur Internet est de l’ordre de 1013 mots, les principales plates-formes IA ayant déjà ‘chargé’ leurs moteurs avec 1011 ou 1012 tokens.
La prise de conscience a été surtout provoquée par la sortie de GPT5, sensé être beaucoup plus performant que GPT4, qui a été une douche froide pour ses admirateurs compte tenu des erreurs flagrantes constatées dans les premiers tests et ce, même si le PDG d’OpenAI se défend en indiquant qu’il manque de ressources informatiques et électriques, ce qui est une autre source d’inquiétude !
Certains experts comparent même la situation actuelle à l’éclatement de la bulle Internet et des dotcoms à la fin des années 90.
4- …sachant que l’automatisation reste l’objectif ultime de l’IA
En revanche, les IA spécialisées, conçues pour accomplir des tâches précises et utiles au quotidien, sont bien réelles et nombreuses.
Dans ce cadre, Microsoft a annoncé en Janvier 2025 l’arrivée des « agents IA » des systèmes capables « d’exécuter des tâches de manière autonome pour le compte d’un utilisateur ou d’un autre système, en concevant son workflow et en utilisant les outils disponibles ».
Les entreprises qui veulent en bénéficier devront réaménager leur système d’informations pour pouvoir développer ou mettre à disposition de ces agents de manière sécurisée des APIs respectant un protocole émergent comme MCP, tout cela de manière particulièrement sécurisée comme par exemple le réalise la BNP.
Cette nouvelle organisation potentielle du travail homme-machine ne va pas sans créer des questionnements chez les cols blancs qui devront faire l’apprentissage du travail partagé avec des robots logiciels comme l’ont fait les ouvriers qui ont appris à cohabiter avec des robots en usine.
Tout le monde n’est pas obligatoirement de cet avis comme cet aficionado (MVP) de Microsoft qui déclare : si la plupart des fonctions commerciales sont gérées par des agents d’IA, il en résultera une ossification. L’innovation commerciale cessera, car les LLM n’innovent pas. Ils ne sont pas créatifs. Paradoxalement, cela pourrait créer des opportunités pour les entreprises ‘axées sur l’humain’ qui peuvent innover tandis que leurs concurrents axés sur l’IA stagnent
5- quid du syndicalisme dans ces évolutions ?
Les syndicalistes privilégient bien sûr le dialogue social, veulent accompagner les entreprises dans la définition de ces nouveaux outils pour en éviter les travers prévisibles : biais de données, RGPD, formation des personnes dont les tâches seront remplacées, tout cela afin d’éviter les pires scénarios.
Et nous sommes bien sûr concernés par ces prédictions qui risquent de mettre à mal les entreprises qui ont investi dans ces technologies et qui pourront rapidement utiliser les salariés comme variable d’ajustement comme l’a récemment ouvertement fait Microsoft qui veut remplacer les salariés licenciés par des agents IA !
L’ensemble des salariés éprouve donc une peur légitime que leurs emplois soient remplacés par des machines même si aucune prévision ne peut raisonnablement s’avérer juste que ce soit sur le nombre de personnes ou sur les types d’emplois concernés. En effet, les évolutions technologiques précédentes ont poussé vers la sortie les emplois les moins formés, ce ne sera peut-être plus le cas…
Aux USA, les syndicats s’organisent entre autres avec des conférences comme celle intitulée « Making Tech Work for Workers » qui a réuni plus de 200 syndicalistes et technologues à Sacramento afin d’anticiper les effets de l’IA, à négocier des protections pour les travailleurs, et à envisager des grèves ou des actions collectives pour influencer les politiques technologiques.
En France, nous avons le projet Dial-IA composé d’acteurs du dialogue social qui partagent la conviction qu’une communication entre salariés et patrons reste la garantie d’une bonne utilisation de l’IA :
Pour asseoir la fiabilité, assurer la transparence et l’acceptabilité des SIA, accompagner l’arrivée de l’IA dans les entreprises et administrations, le dialogue social a un rôle crucial à jouer. Le dialogue social est primordial pour que se déploient que des usages profitables de l’IA, créateurs de valeur, intégrés dans les contextes de travail, préservant le sens du travail, la santé des travailleurs, respectant les droits et libertés fondamentales. Comme le souligne l’OCDE, le dialogue social est un levier pour favoriser une transition vers l’IA bénéfique à l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.
Cette préoccupation commence à apparaître dans les dernières décisions de justice dont celle récemment prise par le tribunal de Créteil qui a confirmé l’importance du rôle du CSE dans l’introduction de l’IA au travail en ordonnant à 2 filiales du groupe Infopro Digital – le Groupe Moniteur et le Groupe Industrie Services Info (GISI) – de suspendre l’usage d’outils d’intelligence artificielle tant qu’un processus d’information-consultation des CSE n’aura pas été mené à terme.
6- métiers en grand danger avec l’IA selon le Forum Economique Mondial
Pour évaluer, le plus précisément possible, quels seront ces métiers qui ont le plus de chance de disparaître, le Forum Economique Mondial a convoqué 1 000 employeurs mondiaux de premier plan, qui représentent plus de 14 millions de travailleurs dans le monde. Parmi ces métiers voués selon eux à la disparition, on trouve les métiers de postier, de caissiers de banque, de caissiers et agents de billetterie et les opérateurs de saisie, les imprimeurs et ouvriers de l’imprimerie, les comptables, les gestionnaires des stocks, le personnel d’accueil, les contrôleurs de transports et les VRP.
D’autres métiers sont également en danger face à l’IA tels que celui de graphiste, d’expert en sinistre, de secrétaire juridique, de fonctionnaire juridique ou de télévendeur.
L’éducation est également touchée : plusieurs établissements expérimentent déjà l’utilisation d’IA pédagogiques capables de corriger des devoirs, d’expliquer des concepts et de proposer des parcours d’apprentissage sur mesure.
L’avenir nous le dira.
7- Annexes
Autres références :
- Comment l’IA va changer nos vies ?
- IA : de quoi parle-t-on ?
- Mon webinaire IA et le document présenté sur le site CFTC UD NORD
- la vidéo humoristique et dystopique de Cyprien
- le guide de l’IA disponible sur le site confédéral une fois connecté à CFTC l’APP
Pour la recherche d’informations | Chat GPT / GPT Search, Bing Copilot, Perplexity pour la traçabilité des sources |
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Pour la gestion de bases de connaissances | Dust.tt (star-up française), basé sur les principaux LLM (chatGPT, Claude…), Notebooklm (Google), Gleen |
Pour la synthèse de documents | Claude (Anthropic), ChatGPT |
Pour la production bureautique | Gamma AI (production de présentations), Copilot, Gemini, SlidesAI, PowerPresent… |
Pour la génération d’image | Dall-E (depuis Bing Copilot et ChatGPT), Ideogram, Flux1.ia, Midjourney, disponible depuis Discord (payant) |
Pour la génération de vidéo | Sora (openAI), Runway, Kling |
Pour la gestion des réunions | Leexi, Fireflies, Copilot, Meetgeek, Spoke.app, tl;dv, Praiz notetaker (praiz.io), Plaud |
Les « builders » d’assistants conversationnels | Copilot Studio, GPT Builder, Vertex (Google), Dust.tt, POE |
Les surcouches aux LLM généralistes | BlueGPT (français), Dust (payant), POE (version gratuite) |
Les générateurs de photos de personnes libres de droit | WhichFaceIsReal.com, thispersondoesnotexist.com |
Les générateurs de prompt | Promptomania, NeuralWriter… |